Adultère et vie privée : l'équilibre des droits

Adultère et vie privée : l'équilibre des droits

Publié le : 13/12/2021 13 décembre déc. 12 2021

Le mariage donne des droits ainsi que des devoirs aux jeunes mariés, parmi lesquels figure la fidélité conjugale. En cas d’adultère, l’époux victime peut saisir le juge pour obtenir le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’époux fautif. Cependant, la preuve de l’infidélité doit respecter certaines conditions de validité.

Le cabinet CIRIER AVOCATS ASSOCIES revient sur le devoir de fidélité des époux et son équilibre avec d’autres droits, comme le droit à la vie privée, en cas d’adultère.

Le devoir de fidélité des époux

L’article 212 du Code civil dispose que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».

Le devoir de fidélité interdit aux époux d’entretenir une relation intime avec une personne autre que leur conjoint, que la relation soit physique, à distance ou/et platonique.

La fidélité entre les époux perdure tout au long de l’existence du mariage, même lors de la procédure de divorce, ce qui est souvent oublié. La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 9 novembre 2016 que les droits et devoirs des époux perdurent jusqu’au prononcé du divorce, même si l’un des époux a commis un adultère durant le mariage.

Il est à rappeler que les concubins, ainsi que les personnes liées par un pacte civil de solidarité, ne sont pas soumis à cette obligation fondamentale du mariage.

Le divorce pour faute en cas d’adultère

Même si l’adultère est dépénalisé depuis 1975, la violation du devoir de fidélité constitue encore aujourd’hui une cause de divorce pour faute.

Si le juge apprécie les circonstances rendant intolérable le maintien de la vie commune du couple, le prononcé d’un divorce aux torts exclusifs de l’époux coupable de l’adultère permet, notamment, au conjoint non fautif d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement aux devoirs conjugaux, ainsi qu’échapper éventuellement, dans des conditions très strictes et particulières (art. 270 dernier alinéa du Code civil) au versement d’une prestation compensatoire qu’aurait pu percevoir l’époux fautif.

La charge de la preuve repose sur l’époux demandeur invoquant l’adultère de son conjoint.

La preuve de l’adultère peut être apportée par tous moyens, tels que le constat d’huissier autorisé par le juge aux affaires familiales, des témoignages transcrits par une attestation sur l’honneur, des échanges entre les amants sur les réseaux sociaux, SMS… 

Toutefois, les éléments de preuve doivent être recueillis licitement, c’est-à-dire obtenus sans fraude ou violence. Par exemple, l’époux ne peut pas produire en justice un test ADN de paternité ou d’infidélité, effectué par internet à l’insu de son conjoint, d’après l’article 16-11 du Code civil ainsi que l’article 226-28 du Code pénal.

L’atteinte à la vie privée en cas d’adultère

Le droit à l’intimité de la vie privée fait partie des droits civils garantis par l’article 9 du Code civil, et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).

La jurisprudence a étendu à de multiples reprises le champ d’application de cette protection (la vie familiale, la vie sentimentale, le droit à l’image…). L’atteinte à ce droit permet d’obtenir des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi. 

Le juge se montre très rigoureux sur le respect de ce droit, notamment en faisant un contrôle de proportionnalité lorsque deux droits fondamentaux s’opposent à l’occasion d’un litige.

C’est par exemple le cas dans une récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, où les juges européens ont dû vérifier l’équilibre entre le droit à la vie privée et la validité de la preuve lors d’une procédure de divorce.

En l’espèce, un couple vivant entre l’Espagne et le Portugal se sépare et décide chacun d’entamer une procédure de divorce dans leurs pays respectifs. Le mari portugais transmet lors de la procédure civile des messages électroniques échangés entre son épouse et plusieurs hommes sur un site de rencontres, dont les informations ont été recueillies à l’occasion de l’accès total à la messagerie donné par l’épouse souhaitant démontrer à son mari qu’il s’agissait d’une plaisanterie.

Malgré le prononcé du divorce en faveur de l’épouse, cette dernière saisit le juge européen pour violation du secret des correspondances et atteinte à l’intimité de sa vie privée, après le rejet de sa plainte par le juge portugais. 

La Cour a considéré qu’il n’y a pas eu de violation du droit au secret des correspondances, et donc d’atteinte à l’intimité de la vie privée de l’épouse, en estimant que la publicité des messages litigieux a été restreinte au cadre de la procédure civile, et que ces messages, recueillis par le mari à la suite du consentement de son ex-épouse, permettaient aux juges d’apprécier la situation personnelle des époux et de la vie familiale.
 

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